La première fois que nous faisons une grande traversée de …24 heures … je me dis que jamais au plus jamais on ne m’y reprendra de me laisser malmener sur ce bateau pendant autant de temps et puis le temps passe. Les 24 heures deviennent 36 puis 48 puis 7 jours et voilà comment on se trouve à embarquer à nouveau pour 800 miles de tenerife au cap vert en sachant pertinement qu’une fois au cap vert il n’y a pas de retour possible et qu’il faudra affronter les 2000 miles qui nous mèneront vers les Caraïbes.

Partir pour autant de temps c’est savoir bien préparer son bateau. Nous n’aimerions pas avoir un problème méchanique ou une pièce qui se casse. Il faut que le plein de gazoil soit fait, que les réservoirs d’eau soit remplis. Par sécurité nous stockons une grande quantité de bouteilles d’eau en plus dans les cales. A cela s’ajoute des bouteilles de coca colà, de thé froid, divers jus de fruits, des bières sans alcool. Vins et autres boissons alcoolisées attendent sagement l’arrivée pour être sortis de nos réserves. Avoir du choix dans les boissons est important car en ce qui me concerne je ne sais jamais ce que mon estomac sera d’accord d’avaler aux pires moments de mal de mer. Cette fois ci Amos et moi n’arrivions pas à boire de l’eau… embêtant tout de même..

Question nourriture c’est un casse tête aussi. Nous ne sommes pas fan de conserves et pourtant elles deviennent inévitables sur un si long trajet sachant qu’au Cap Vert nous ne trouverons pas grand chose pour la deuxième étape de la traversée.

Nous avons rempli les cales à ras bord de pâtes, riz, semoule, purée de patate en poudre, sauces tomates, maïs, petits pois, lentilles, pois chiche etc etc… Les enfants n’auront pas le choix il va falloir arrêter de faire la fine bouche. Tu n’aimes pas, tant pis… attend trois semaines et il y aura autre chose…peut-être…

Au rayon fraîcheur nous avons pris des légumes et des fruits pour une durée d’une semaine environ en espérant nous ravitailler au cap vert. Sur le bateau il fait chaud et les légumes et fruits ne peuvent pas être mis au frigo. Nous avons accroché des filets à l’intérieur et à l’extérieur du bateau et c’est là en grande partie que nous les stockons. Un peu aussi dans les cales.

Concombres, avocats et poivrons partent le plus vite. Après brocoli et choux fleurs, carottes, tomates et haricots. Finalement restent les patates, les choux et une bonne trouvaille la betterave rouge qui se conserve longtemps sous vide. Les fruits partent vite eux aussi et nous nous rabattons sur les conserves vers la fin de la traversée.

Enfin les courses ne se font pas toute seule et ne vole pas directement du magasin à nos cales. Il faut trouver le magasin qui ne sera pas trop cher, assez fourni et qui livre directement au bateau. Les derniers jours à Tenerife nous voyions tout les jours des livreurs arriver avec des caisses et des caisses de nourriture, des litres et des litres de boissons. C’est la saison des départs et sur tout les bareaux se sont les mêmes problèmes. Les caisses arrivent, encombrent le pont. On commence à monter cette tonne de nourriture à bord, les cales sont grandes ouvertes, c’est impossible de faire un pas sans marcher sur quelquechose ou tomber dans un trou et il faut empiler le tout de façon adéquate et efficace pour qu’une fois en traversée il ne faille pas faire de la spéologie dans les cales alors que le bateau gite et que les estomacs crient piiiiitiiiiiéééé. Je dois dire qu’en ce qui nous concerne nous sommes assez efficaces et avons un système de stockage qui fonctionne bien. Un peu de tout directement accessible dans la cuisine, un deuxième service de tout dans les coffres dos et fesses autour de la table et le stock 3^ème position dans les cales.

Bien récapitulons, gazoil check, eau check, état général du bateau check, électronique check, cartes marines check, nourriture check. Que reste t’il ? Avant un grand départ le bateau doit être propre et rangé et les lessives faites. Nous aimons aussi être à jour avec internet, blog, email, payements et nouvelles à la famille et aux amis. Cela prend quelques lignes sur cet ordinateur mais en réalité tout cela prend un temps fou. Je vous en parlerai une prochaine fois !

Ok cela fait il reste un toute petite chose à faire… une toute petite chose capitale et essentielle et vitale pour nous. Trouver notre équipier ! En effet nous ne voulons pas partir pour une si longue durée seuls. J’ai le mal de mer, parfois suffisament fort pour que je puisse à peine monter les escaliers et aller tenter l’air frais du large….Je n’arrive pas à cuisiner, à peine à lire…et pendant que je survis… nos trois enfants eux ne sont pas du tout amorphes dans leurs cabines en attendant que ça se passe. Ils ont faim, soif et ont besoin d’occupation ! Enfin le bateau nécessite lui aussi une attention continue de jour et de nuit ! Matan vous le savez déjà est un sur homme mais après 24 – 36 heures il lui faut de l’aide. Tout cela considéré il devenait évident qu’il nous fallait trouver quelqu’un.

Maintenant il s’avère que trouver un équipier reste souvent un sacré casse tête. Certains équipages chanceux ont un carnet d’adresse bien fournis avec tout un tas de supers copains expérimentés qu’ils connaissent depuis toujours et qui sont prêts à sauter dans un avion à tout moment de l’année pour venir avaler des miles à leurs côtés. D’autres n’ont pas de petits enfants à bord et femme et homme adooooorent faire la traversée et n’aimerait jamaiiiis que ça s’arrête. Bref des extra terrestres! et enfin d’autres, les tout à fait normaux et bien ont trois enfants dont une didi nationale, une femme verte et nauséuse à bord et un mari qui n’arrivent pas à gérer bateau, cuisine, géo club med, psychologue pour femme dépressive, infirmier, etc pendant 3 semaines d’affilés. Trop nul…

Bien à que cela ne tienne nous chercherons un équipier. Sur tout les pontons on peu trouver des petits bouts de messages, type : «  je suis jeune beau ou belle, je sais tout faire et surtout réparer un moteur. La voile n’a plus aucun secret pour moi. Je sais cuisiner et fait le ménage. J’adorerais vous accompagner pour aller aux caraïbes et serais un super compagnon de voyage car tout m’intéresse et j’apprends vite. Je n’ai jamais été malade en lisant dans un bus, même sur de toutes petites routes sinueuses. Appeler moi vite au numéro suivant ou envoyer moi un email à : jesuisungrandnaïfrêveurtotalementinconscientquinesaitpascequilattend@jecherchelescaraibesabasprix.com. PS : je ne suis jamais monté sur un bateau.

C’est ainsi que nous avons parloté avec deux très gentils et très naïfs couples totalement inexpérimentés qui voulaient se joindre à nous. Au suivant !

Nous avons discuté avec un jeune homme, soit disant moniteur des glénans qui commentait notre ais par un : » aah c’est bien, comme ça vous pouvez recevoir la météo en traversée »…euuuh.. minute de silence. Quand je lui ai demandé ce qu’il attendait de la traversée, il m’a répondu qu’il aimait beaucoup se mettre à l’avant et rêvasser en regardant le large. Pendant qu’il me parlait j’imaginais les trois enfants en train d’hurler, moi verte au fond du bateau, matan ivre de sommeil en train de gérer le tout seul et monsieur des glénans le cheveu au vent en train de somnoler à l’avant.

Au suivant !

Une jeunette qui faisait la vaisselle, le ménage, etcc…. Sans expérience. Au suivant !

Quand finalement arrive notre super Shefqet. La tête sur les épaules, expérience de la voile, à l’aise avec les enfants et riche de pleins d’aventures qui feront passer plus vite les mauvais moments de mal de mer. Nous avons sympathiser rapidement et nous sommes décidés de vivre cette aventure ensemble.

Bateau prêt, équipier à bord il ne restait plus qu’a larguer les amarres et espérer que les vents soient cléments avec nous. Nous avons parcourus 800 Miles et tout s’est bien passé. Les dauphins étaient à nouveau de la partie et cette fois ils sont venus si proche que je les touchaient presque du bout des doigts. J’ai pu les filmer en me mettant sur la jupe arrière du bateau. En plus mon mal de mer n’a pas été trooooop terrible. Les enfants ont été sympas et patients et le duo Matan et Shefqet a bien fonctionné pour la répartition des quarts. Moi, la princesse au mal de mer a été épargnée des nuits sans sommeil. Je crois que le capitaine voulait empêcher à tout prix de devoir gérer une femme verte et en plus de mauvaise humeur car trop fatiguée….

Le 2 décembre nous avons finalement atteint de nuit le port de Mindelo. L’arrivée de nuit dans un port est souvent fortement déconseillée et surtout dans des endroits comme au cap vert… Les cartes ne sont pas toujours à jour, les feux lumineux quand par chance ils sont allumés peuvent avoir changé de place… et on est pas sûr de ce qui nous attend au port. Y aura t’il de la place? Déjà que de jour il est difficile de se ballader entre les bateaux avec notre Nomad qui boude la marche arrière, alors de nuit n’en parlons pas….  Pour nous ça devient néanmoins presque une habitude d’arriver de nuit et de devoir gérer le stress d’une entrée de port risquée. Cette fois encore l’ambiance était tendue sur Nomad. Shefqet et moi essayions tant bien que mal de voir ou se trouvait l’entrée du port de plaisance, quelque part là devant entre les gros bateaux, les bateaux de pêches immobiles et ceux qui pêchent, les épaves anciennes et nouvelles, les différentes digues.. et tout ça avec une nuit sans lune et une ville paquetée par la poussière. Autant dire qu’on y voyait QUE DALLE…. Nous avançons le plus lentement possible, sachant qu’on ne peut pas aller lentement, pousser par le vent et les courants…et fouillons la nuit avec nos lampes torches. Enfin nous voyons apparaître telle une apparition fantômatique, des mats et tout au loin un petit point lumineux qui s’allume et s’éteint. Est-ce le feu d’une bouée, celui des phares d’une voiture… Non à nouveau la chance nous sourit, il s’agit de deux personnes du port qui nous ont repéré et qui nous font de grands signaux en nous indiquant une place facilement accessible.  D’un coup tout le monde se détend et nous traçons vers ce petit coin de repos tant attendu. Nous tendons nos amarres avec un grand sourire reconnaissant à ces deux aides providentielle. et voilà à  nouveau notre Nomad, bien attaché au terme de cette longue traversée.

 

Mindelo dégage une odeur poussiéreuse et le ponton flottant balotte dans tous les sens, mais comme à chaque arrivée de longue traversée, le port représente surtout pour nous la TERRE, le sentiment d’être arrivé là ou on voulait, la sécurité du sol qui ne bouge plus et la joie de se dire ouuuf tout s’est bien passé. A nous la bière traditionnelle de l’arrivée et le sentiment de joie profonde!

Demain au programme il y aura douane et immigration et après découverte de Saint Vincent. Nous ne prévoyons pas de rester très longtemps au cap vert car nous préférons rester sur la lancée du voyage et aussi car Shefqet a rendez vous avec sa chérie pour les fêtes de Noël aux Caraïbes . Nous explorerons une autre fois le Cap Vert de long en large et pour le moment il est temps d’aller dormir dans un lit qui ne bouge plus dans tous les sens, sans bruits de moteur et de voiles qui claquent, sans avoir l’impression d’être dans un bolide lâché à toute vitesse sur un manège démonté. Aaaah vive la voile et surtout quand elles sont soigneusement rangées et que tout s’apaise. Quoi, vous me dites que d’ici quelques jours nous repartons pour un tour, JAMAIS ! enfin peut-être….